« Crie, hurle mon enfant. Ta vie n’est qu’un rêve où il te poursuit sans cesse. Crie, hurle, ma douce. Ton rêve, ton cauchemar, ne doit pas s’arrêter maintenant. »

Haute falaise d’où l’on peut apercevoir l’océan qui roule sauvagement sous l’action d’un vent puissant. Les rouleaux s’éclatent sur la roche solide qui s’effritera peu à peu au fil des années, dans un phénomène nommé érosion. Et pourtant, dire que cette falaise cette si solide, si majestueuse… Elle finira brisée, érodée par l’action de l’eau, pourtant moins insaisissable que le vent. Pourra-t-il, comme cette falaise qui s’effrite, finir par m’oublier, lassé par ma poursuite ? Un jour peut être, mais pour l’instant, il s’amuse bien plus à me tourmenter. Ma tête se lève vers le ciel. Je peine à respirer, ainsi, face au vent qui vient de l’océan. Pourtant, il est si agréable, bien que glacé ! Mes yeux se posent sur la voûte céleste où dansent moult nuages épais et gris, qui n’annoncent que pluie, grêle ou neige. Et peut être tempête, si l’on regarde ceux qui sont bien plus noirs et qui sont bien plus loin au dessus de l’océan. Mais je sais que grâce au vent, ils arrivent notre direction. Pourraient-ils être déviés ? Sûrement, mais je n’en ai pas le pouvoir. Et quand bien même, une tempête est toujours la bienvenue. Elle donne un peu de piquant à une vie que trop monotone. Ahah, monotone ? Tu déraille ma vieille ! Plus rien n’est monotone depuis que Manaël est arrivé sur ces terres, il y a bien longtemps. Regarde donc un peu ce qu’il s’est passé, regarde les deux troupeaux ! Ils sont complètement obsolètes ! L’un c’est la tyrannie assurée où il n’y a de bonnes places que pour les plus forts, et l’autre c’est une totale anarchie, dans un remake pourrie d’un groupe de shootés portant des chemises imprimés fleurs. Aucun d’eux n’est parfait, et très loin de là ! Et, pour cela, rien n’est monotone, entre les extravagances du chef ou les pulsions tyranniques de l’autre… Ces deux troupeaux s’autodétruisent de l’intérieur, le mal les ronge peu à peu et ils finiront par éclater. J’ai bien raison que de rester à l’écart. Et puis, de toute façon, ma vie n’est qu’errance, rejoindre un troupeau n’aurait pu que me faire du mal. Alors, alors, je n’ai qu’a rester dans les environs durant quelques temps, en attendant de voir ce qu’il adviendra des troupeaux, voir si j’ai raison ou non…

Mais je m’égare. Mon visage se tourne à présent vers la lande, tandis que je fais volte face pour me retrouvée croupe face au vent. Tout est silencieux là bas, à part le vent qui nous hurle ses menaces à l’oreille. Il n’y a pas âme qui vive. Il n’y a que moi… Je soupire et m’ébroue, mes longs crins emportés dans le vent. Puis je me tourne encore, à 90° cette fois et me mets au pas, pour longer la falaise. Je pourrais tomber si facilement, d’ici là. C’est un à pic, et je ne craindrais pas de me prendre de la roche durant ma chute. Je n’aurais qu’à craindre le point d’impact. Enfin, pas besoin de songer à tout ceci, je ne tomberais pas, j’ai le pied sûr et je suis méfiante. Et je ne suis pas tout à fait au bord non plus… Et puis, devant moi, je vois la falaise qui descends en pente douce vers l’océan, prenant fin tout en délicatesse. Je ne me méfie que plus, car il est simple de glisser, le sol est encore mouillé par la dernière pluie. Je ralentis, m’éloigne un peu du bord, encore une fois. Et, avec autant de douceur que la pente, je m’engage dessus.

Ce n’est qu’au bout de plusieurs minutes que j’accède enfin tout en bas. Là, on perçoit encore plus la puissance des vagues qui s’échouent sur le rivage. Je décide de ne pas m’engager trop sur la page, évitant de même les dunes, préférant ne pas me recevoir de sable. Je m’arrête un instant, pour observer le spectacle. Ces vagues que j’ai décris précédemment sont bien plus hautes que moi, et je sais que si je suis happée par l’une d’elle, aucune chance de j’en réchappe. Autant ne pas m’en approcher. Mais lorsqu’une vague se retire, j’aperçois du sable blanc, bien plus pur que celui sur lequel je marche qui est mélangé à de la terre ou une chose semblable, qui le terni. Je ne m’attarde pas trop et reprends mon chemin, errant entre plage et dunes. Ici, je sais mon pouvoir inefficace. Comment du brouillard pourrait tenir ? Il serait balayé instantanément. Je reporte mon intérêt sur mon chemin. Dans quelques dizaines de mètres, la falaise reprend abruptement. Et une faille, suffisamment grande pour laisser passer un cheval se faufile entre la roche. Je décide de m’y aventurer, même si je pense que j’ai affaire avec un cul de sac. Je ne presse pas le pas, pourtant rapidement de me retrouve face à la falaise. Je m’arrête le temps d’une seconde, puis reprenant ma marche, m’enfonçant dans les méandres de la roche. Je me sens rapidement oppressée par le fait que les parois soient si proches, comme prêtes à m’engloutir. Mais je débouche vite sur un nouveau banc de sable, et les parois disparaissent soudain, me laissant au grand air. Je m’arrête et j’observe. Un bout de plage, perdu au milieu de la falaise, entouré par ces hautes parois. Là, le vent ne passe pas, les vagues sont comme brutalement arrêtés par je ne sais quoi, peut être une force divine. Et quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas, quelqu’un ...